D’abord, il y a ce style caractéristique de Jenet visible par la couleur, ici le vert et le rouge qui contraste avec le noir et le sombre. C’est bien sûr vrai avec les personnages, mais aussi avec leur environnement. D’ailleurs l’affiche du film ne contient que 4 couleurs : le rouge que porte Audrey Tautou, ainsi que son rouge à lèvre et un léger fond d’œil, le noir de ses cheveux, ses sourcils, ses yeux et le bas de sa robe, et le vert qui l’entoure, contenant les petites étoiles du monde merveilleux qu’elle voit, elle, la rêveuse, blanche et innocente par ailleurs.
Le style de musique est dans la même lignée, avec cet accordéon jouant une musique lancinante qui illustre la petite France de Montmartre et de la 2e partie du XXe siècle. Par dessus l’accordéon, la voix qui raconte le fait si bien, de façon posée avec les mots bien choisis, c’est André Dussolier, acteur notoire et à qui je dois quelques rigolades à Amiens (seuls les initiés comprendrons)…
Dans l’histoire, il y a cette fabuleuse Amélie, noyautée d’innocence et pourtant si rêveuse. J’aime ses stratagèmes, et cette personnalité jouée à perfection par Audrey Tautou.
Et les enchaînements de simplicité amènent les rebondissements, symbolisés par le bouchon qui rebondit et vient finir par cogner le carreau de plinthe de la salle de bain, qui ouvre les secrets d’un passage dans lequel Amélie trouve la petite boîte de Bredoteau, un ancien locataire. On a tous rêvés ça, non ?
On tombe vite sous le charme de la gentille Amélie, ou Audrey, un peu timide à cette voix si charmante et avec cette grâce toute simple. Et ces regards, qu’elle jette de temps en temps en fin de séquence et qui traduisent à chaque fois ces traits de personnalité...
Autour d’Audrey Tautou, le jeu d’acteur est d’un niveau exceptionnel ; Isabelle Nanty, dans un style si caractéristique, mais que j’apprécie bien, Mathieu Kassovitz, lui aussi garçon très innocent et qui se laisse emmener dans l’histoire (cf. l’épisode du fléchage à Montmartre), le petit Dominique Pinon, très souvent appelé par Jenet et plus dur que jamais, Djamel Debouze, en victime de son employeur qui le traite en demeuré, et tous les autres, si bien choisis dans leur rôle.
Et puis il y a des jeux de mots par ci, par là, comme la tenancière du Café des 2 Moulins, qui « boit(e) un peu, mais elle n’a jamais fait tomber un verre » (et même le mot verre pourrait être interprété).
J’aime cette recherche de noms où la précision est importante « Bredoteau » vs. « Bretodeau », ou le « Nino Quincampoix », qu’il fallait vraiment inventer !
Enfin, j’aime beaucoup aussi le Canal St Martin, que j’ai découvert dans mon séjour parisien de 1998-1999, et qui vient compléter la fresque de Montmartre et des rues de Paris. J’aime encore cette histoire de courriers qui ont des décennies de retards, et que reçoit la concierge d’Amélie pour la consoler de son mari adultère et décédé ; et la référence à l’accident de la princesse Diana (il y a 10 ans exactement). J’aime l’histoire de l’homme de verre, artiste-peintre et mystérieux voyants, qui comprend les stratagème d’Amélie mieux que quiconque mais veut la faire grandir et prendre son courage ; j’aime cette idée d’aider les autres et d’aimer rêver.
Je reviens sur cette histoire si belle à faire couler des larmes, avec ses personnages timides qui se jettent à l’aventure dans la jungle parisienne et ses décors quasi-intemporels d’un mois d’août on dirait ; et le fait de grandir, qui nous arrive à tous un jour.
Bref, Amélie Poulain est sans doute un peu le cahier de poésie de notre jeunesse et de son innocence et qui nous attire agréablement (moi, mais aussi des millions de gens par le monde qui veulent voir Montmartre), et qui fait de ce film un chef d’œuvre à la française.
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